Quand le Dr Vincent Collange (Médipôle Lyon-Villeurbane) s’est penché sur l’intérêt de l’anesthésie sans morphine, il y a une dizaine d’années, le sujet était encore nouveau. « Nous avons monté une sorte de communauté francophone sur le sujet. Mais nous déplorions le manque de données scientifiques et d’études bien conduites permettant de diffuser la technique », explique l’anesthésiste.
Diminuer la réponse sympathique
Ses travaux portent sur l’intérêt de l’anesthésie sans opiacés dans la chirurgie du colon. Pour l’étude, 160 patients ont été inclus. Un groupe a reçu une anesthésie suivant un protocole standard, avec morphinique. « Nous avons choisi un protocole relativement moderne, pratiqué dans la plupart des centres. Nous n’avons pas comparé notre méthode à l’anesthésie avec opiacés telle que pratiquée il y a 20 ans », précise le Dr Collange.
L’autre groupe a reçu une anesthésie sans opiacés, avec de la dexmédétomidine, une molécule qui diminue la réaction sympathique au stimulus douloureux. « Car c’est bien l’enjeu, dans l’anesthésie. Contrairement à une idée fausse, mais courante, le fait d’utiliser des morphiniques pour l’anesthésie n’a pas pour but de diminuer la douleur, puisque le patient inconscient ne ressent pas la douleur. Il s’agit bien de réduire la réaction cérébrale, de fait inutile, face au stress chirurgical pour améliorer les conditions de l’anesthésie. Or, la morphine n’est pas la seule molécule apte à moduler cette réaction. Et comme ses effets secondaires sont importants, il y a tout intérêt à la substituer ».
Une « nette différence » entre les protocoles
Plusieurs critères ont été retenus pour évaluer les bénéfices de la technique sans morphinique : la douleur post-opératoire au repos et à l’effort (évaluée par le patient et par la consommation d’antalgiques) ; les nausées et vomissements (décrits par le patient et évalués par la consommation d’antiémétiques) ; la reprise du transit (que la morphine a précisément tendance à ralentir) ; la qualité de vie trois mois après l’intervention.
Les résultats sont en cours d’analyse, mais une étude préliminaire menée par l’équipe et portant sur 40 patients montre « une nette différence » entre les deux protocoles. « Si les résultats de notre étude finale confirment ceux de l’étude préliminaire, alors il s’agit de résultats majeurs », conclut le Dr Collange.
Un projet est soutenu par la Direction Recherche et Enseignement Ramsay Santé.